Dans mon premier article, je vous livrais une réponse à la première question que me suis posée en tant que Scrum Master : “C’est quoi le quotidien d’un Scrum Master ?”. La seconde question que je me suis posée fut : “Comment animer une rétrospective ?”. Puis la question a évolué en : “Comment animer une bonne rétrospective ?”. Après deux années de rétrospectives dans différentes équipes, je vous dévoile ma vision de la rétrospective de sprint avec quelques exemples.
Ma vision de la rétrospective de sprint
Selon la théorie, “la rétrospective de sprint est une occasion pour l’équipe scrum de s’inspecter et de créer un plan d’amélioration qui sera mis en place au cours du sprint suivant.” Je trouve cette description incomplète. De mon point de vue, c’est aussi un moment de retrouvaille important dans la construction de l’esprit d’équipe. C’est un moment de communication et d’échanges primordial pour notre organisation. Mais, c’est aussi, et surtout, la célébration d’un sprint qui se termine !
Mon but est que l’équipe attende avec impatience ce moment et que personne n’y assiste par obligation. Mais aussi que chacun y prenne du plaisir et, surtout, que chacun puisse prendre la parole et exprimer son ressenti.
Quel est mon rôle pendant la rétrospective de sprint ?
Pour la rétrospective, je mets ma casquette de facilitateur. J’organise la réunion et je prépare à l’avance un support adapté à l’actualité de l’équipe. Durant la réunion, je fais attention aux timings et à ce que chacun puisse avoir un temps de parole égal. Je prends des notes sur nos échanges afin de pouvoir produire un compte rendu de la rétrospective du sprint. Malgré cette casquette, je participe aussi à la rétrospective en tant que membre de l’équipe.
Le plan de mes rétrospectives de sprint
Après avoir beaucoup utilisé les rétrospectives que l’on peut trouver sur internet et avoir lu le livre “Agile Retrospectives — Making good teams great” de Esther Derby et Diana Larsen, que je recommande vivement, j’ai un plan que je respecte pour chacune de mes rétrospectives. Cela me permet maintenant de créer des rétrospectives de sprint personnalisées.
L’ice breaker de démarrage
J’ai d’abord besoin que tout le monde sorte de son contexte habituel et soit à 100% présent pour la rétrospective. Pour cela, je commence par un petit ice-breaker. Voici quelques idées d’ice-breakers que j’ai personnellement testés.
La constellation
Cet ice-breaker est facile à mettre en place et permet de dynamiser l’équipe et de créer une bonne ambiance. Il fonctionne aussi avec un groupe qui ne se connaît pas !
Pour jouer, il suffit de mettre un point de repère dans la pièce (un objet au sol, une croix tracée par terre) et demander de se placer par rapport à ce repère. Ce repère peut être un emplacement géographique (votre lieu de travail par exemple) :
- Où habitez vous ?
- Où êtes-vous né ?
- Le lieu de vos prochaines vacances ?
Il peut également représenter un avis (plus vous êtes d’accord, plus vous vous rapprochez du centre) :
- Le sprint s’est bien passé ?
- Il y a une bonne ambiance dans l’équipe ?
La carte postale
Il s'agit de mon ice-breaker favori lorsqu'il y a un départ dans l’équipe. En effet, un départ dans l’équipe est toujours un événement marquant. Pour cet ice-breaker, demandez aux membres de l’équipe d’écrire une petite carte à la personne qui est partie afin de lui raconter ce qu’il s’est passé depuis son départ. Malgré la simplicité de l’ice-breaker, les cartes sont toujours drôles. Vous pourrez même les donner à la personne qui vient de quitter l’équipe en souvenir !
Les points communs
Cet ice-breaker est idéal si votre équipe ne se connaît pas. Il suffit de demander à l’équipe de former des petits groupes (2–3 personnes au maximum). Chaque groupe doit se trouver un maximum de points communs. Attention à bien préciser aux équipes, qu'il ne faut pas que ces points communs soient en rapport avec la réunion, leur job actuel, les habits portés aujourd’hui, etc. Le premier groupe qui arrive à 10 points communs a gagné. Chaque groupe présente ensuite ses points communs aux autres.
Le “Qui a dit”
Celui-là est vraiment génial mais il demande un peu de travail pendant le sprint. Pour le mettre en place, je note des petites phrases marquantes dites pendant le sprint avec le nom de leur auteur. Le but est de deviner qui a prononcé quelle phrase. C’est drôle et ça surprend l’équipe de voir qu’on les a écouté !
La récupération des données
Maintenant que tout le monde est bien rentré dans la rétrospective, on peut collecter les données du sprint. L’idée est que chacun exprime les différents éléments qui ont constitué son sprint : positifs, négatifs, surprises, doutes, peurs, victoires, etc.
Je pense qu’il est important que l’équipe ne vienne pas à la rétrospective de sprint en sachant à l’avance comment va se passer la collecte des données. En les surprenant par le format, on aide les membres de l’équipe à en dire plus que prévu. Cette partie demande beaucoup d’écoute de la part du facilitateur afin de bien entendre tout ce qui est dit. Mon équipe utilise souvent une phrase qui illustre bien cela : “ J’entends ce que vous dites, j’entends aussi ce que vous ne dites pas” (il me semble que c’est issu de l’émission “Les guignols de l’info”). Voici quelques exemples d'outils de collecte de données.
La boîte aux lettres
Au début du sprint, installez une boîte dans le bureau. Expliquez à l’équipe qu’à chaque événement marquant du sprint, ils doivent venir déposer un petit mot dans la boîte aux lettres. Cela peut être un merci, une idée, une interrogation, une frustration, une blague, bref, tout ce qui compose le sprint. Durant la rétrospective, on vient ouvrir la boîte aux lettres. Cela va nous donner les éléments qui ont composé notre sprint.
Le Turn the table
Ce collecteur de données est très intéressant car il permet d'obtenir les différentes visions des membres de l’équipe. On distribue à chaque membre de l’équipe 2 papiers d’une couleur (par exemple, vert) et 2 autres papiers d’une autre couleur (par exemple, rouge). On demande ensuite à chacun d’écrire deux choses positives (sur les papiers verts, par exemple) et deux choses négatives (sur les papiers rouges, si vous avez suivi). La difficulté est la suivante : il ne faut écrire qu’un seul mot par papier. On passe ensuite les papiers négatifs au voisin de gauche et les papiers positifs au voisin de droite. Chacun doit maintenant expliquer les papiers qu’il a reçu. L’auteur des papiers peut corriger ce qui est dit si ce n’est pas l’idée qu’il voulait exprimer. Vous verrez que derrière un mot, deux membres d’une même équipe ne vont pas exprimer la même idée.
Le cinéma
Je choisis des images de films variés et plutôt célèbres. J’essaie de choisir des images où je vois différentes expressions : une bataille, un groupe de personnes contentes, des personnes qui pleurent, etc. Je mets quelques scènes qui n’ont rien à voir pour mettre un peu d’humour. Je les montre ensuite en demandant à chacun de compléter pour chaque scène la phrase : “C’est moi pendant le sprint quand…”
Cette idée de collecte d’idées peut aussi être adaptée avec des dessins, des gifs, etc.
Dessine moi ton sprint
Chacun est invité à dessiner les moments marquants de son sprint. On essaie ensuite de comprendre tous ensemble les dessins de chacun. Forcément, on ne va pas comprendre la même chose. On fera donc émerger différentes données de notre sprint et puis, souvent, on rigole bien de nos talents d’artistes !
Un format un peu plus classique
Vous pouvez aussi utiliser un format plus classique en demandant aux membres de l’équipe de réfléchir à leur sprint sous 4 angles : les choses qu’ils ont aimées, pas aimées, qui les ont surprises et les inquiétudes/questions qu’ils ont.
Pour illustrer cela, vous pouvez utiliser des smileys, les 4L (Loved, Learned, Lacked, Longed For), etc.
Les actions
Maintenant que vous avez récolté les éléments qui composent votre sprint, il faut réfléchir aux choses qu'il faudrait continuer, améliorer ou arrêter. Souvent la collecte de données est assez fructueuse et vous n’allez peut-être pas pouvoir aborder tous les sujets. Si c’est le cas, je demande alors à chacun de voter pour les sujets qu’il souhaite qu’on aborde après avoir regroupé les sujets similaires. Pour la suite, soit on évoque ensemble les sujets, soit on fait des groupes de discussions pour les traiter.
Le parti politique — Réflexion en petit groupe
Le peuple a remonté lors d’un référendum (enfin surtout lors d’une collecte d’idées) son avis sur notre organisation actuelle. Je crée plusieurs partis politiques qui vont venir proposer un programme pour répondre au peuple. Concrètement, je divise l’équipe en petits groupes qui représentent chacun un parti politique. Chaque groupe échange sur les actions à mettre en place et vient les présenter au peuple. On discute ensuite tous ensemble des actions et on choisit de les mettre en place ou non.
La suite du Turn the table — Réflexion individuelle
Rappelez-vous, chacun a passé à son voisin ses points positifs et négatifs. Chacun a donc devant lui deux points négatifs qui ne lui appartiennent pas. Pour chaque point, il est invité à proposer une action afin d’améliorer ce point.
Le plus important, c’est d’avoir des actions claires, idéalement avec un jalon, et surtout avec un porteur d’action. Si les actions n’avancent pas, il ne faut pas hésiter à prendre un temps pour parcourir les actions prises pendant le précédent sprint et voir ensemble leur avancement. Il faut aussi faire attention à ce que les actions ne soient pas toujours portées par les mêmes personnes mais que chacun s’implique dans l’amélioration de notre organisation.
Concernant les actions, il faut bien distinguer les actions qui sont à la portée de l’équipe et les autres. S’il y a un problème qui n’est pas lié à l’équipe, il faudra qu’il soit remonté en dehors de la rétrospective aux personnes pouvant agir sur ce problème.
L’heure de la conclusion
Pour résumer, mes rétrospectives de sprint sont composées de la manière suivante :
- Un ice breaker : J’aide l’équipe à rentrer dans la rétrospective.
- La récolte des données : J’invite l’équipe à raconter son sprint. Je varie le format afin d’aider l’équipe à s’exprimer spontanément.
- Les actions : On traite les points les plus importants pour l’équipe afin d’améliorer notre organisation. Chaque action a un porteur et un jalon. Si les actions s’accumulent d’une rétrospective de sprint à l’autre, il ne faut pas hésiter à faire des suivis d’avancement. Et surtout, les axes d’amélioration choisis en rétrospective doivent être maîtrisés par l’équipe.
Enfin, soyez créatif, inspirez-vous de l’actualité, de votre équipe, des événements et prenez du plaisir !
Charline Renart, Scrum Master Valeuriad
Quelques ressources qui m’ont aidé :
- Le livre “Agile Retrospectives — Making good teams great” de Esther Derby et Diana Larsen
- La liste des jeux de l’agile game France
- Un générateur de rétrospective
- Le livre “Passez en mode workshop agile” fr JM. Moutot, D. Autissier et FX. Duperret
- Et, je suis obligée de vous recommander vivement un petit podcast sur la gamification 🙂